Billet de Copenhague




Un mot pour décrire l’atmosphère des débats à Copenhague : la folie ! Le tournis. Les ONG manifestent devant un centre de conférence blindé comme un coffre fort, faute de pouvoir y pénétrer et les heurts avec la police sont musclés- bonjour l’image de marque de la rencontre conviviale ! Connie Hedegaarde, la ministre danoise qui présidait la conférence, rend son tablier et passe la main des négociations à son Premier Ministre, laissant derrière elle les pays en développement frustrés et mécontents. A six heures ce soir aucun texte ne pouvait servir de référence à des négociations à venir et alors que bien des versions différentes avaient circulé. Et pourtant ! Et pourtant elle tourne, aurait dit Galilée. Et pourtant elle se réchauffe nous disent les scientifiques preuves à l’appui ! Il est difficile vu les innombrables cris d’alarmes qui ont alerté le monde, qu’un dirigeant ose rentrer chez lui les mains vides en disant : « Pas de conclusion. Pas d’accord ambitieux. Pas d’accord contraignant. Les eaux vont sans doute monter. Votre lopin de terre peut disparaître. Mais je n’ai rien pu faire. » Difficile à imaginer car un échec à Copenhague mettrait la planète en danger.
L’accouchement se révèle donc difficile mais le travail a commencé. De nombreux témoignages poignants en séance plénière comme ceux des chefs de gouvernement d’iles en voie de disparition. Cri d’alarme du Président des Maldives et de celui de la Micronésie dont les terres risquent d’être englouties. Ensemble. Combien de fois n’ai-je pas entendu ce mot aujourd’hui : ensemble. Together. C’est ensemble qu’il faut sauver la planète. Personne ne comprendrait aujourd’hui qu’un état, si puissant soit-il, joue cavalier seul. Ni la Chine, ni les Etats-Unis qui n’ont pas signé le protocole de Kyoto. Certes le G77 , c’est-à-dire le groupe des pays en développement, accorde difficilement sa position à celle de l’Union européenne. La distance politique prise par le G77 s’explique en partie pour des questions de procédure. Connie Hedegaarde, présidente de la Conférence jusqu’à cet après-midi, aurait consulté précocement, pour accélérer les négociations, certains pays industrialisés lors de réunions informelles. D’où un sentiment d’exclusion des pays en développement. Mais plus profondément ces pays ne voient pas toujours pourquoi ils devraient participer à l’effort commun, alors qu’ils sont victimes d’un mode de production et de consommation qui leur est étranger. Quand Chavez lance du haut de la tribune cet après-midi « 7% des pays les plus riches de la planète sont responsables de 50% des émissions de CO2, il se fait applaudir frénétiquement par les pays les plus pauvres. Surtout quand il ajoute : « Le fantôme qui hante ces lieux, c’est le capitalisme ».
C’est pourquoi, même avec un accord financier favorable aux pays les plus pauvres du G77 pour permettre une adaptation des pays en développement aux défis du changement climatique nous ne les mettrons pas dans notre camp sans introduire, dans nos relations diplomatiques, un sentiment de confiance et d’égalité. Sans quoi, ils se contenteront de nous présenter l’ardoise, sans participer à l’effort commun. Pour moi, le plus grand enjeu de Copenhague c’est sans doute celui là. L’avenir va-t-il voir le fossé entre le Nord et le Sud s’agrandir, ou allons-nous ensemble lutter contre le changement climatique. Avec bien entendu, nos différences et nos moyens respectifs. Le G77 est loin d’être un groupe homogène puisqu’il regroupe des pays aussi différents que la Chine ou les Maldives. Aujourd’hui ce groupe se raccroche au protocole de Kyoto, contraignant, certes mais qui ne concerne que 30% des émissions de CO2 et est boudé par de grands acteurs comme la Chine et les Etats-Unis. Kyoto est totalement insuffisant aujourd’hui. Il nous faut donc un accord ambitieux, contraignant et partagé par tous. L’accouchement va être difficile, le bébé se présente mal, mais le monde entier retient son souffle C’est bientôt Noël à Copenhague et il neige déjà : on croise les doigts en espérant un petit miracle.


S&D MEP Véronique de Keyser

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